Appel contre l’ALECA entre l’Europe et la Tunisie

, par  no-aleca@riseup.net

L’ALECA, quand libéralisme rime avec colonialisme

L’ALECA est la dernière étape de la longue histoire coloniale entre l’Europe et la Tunisie. La question de la terre, en particulier, a souvent été au cœur de ce rapport. Grâce à l’indépendance du 20 mars 1956, la Tunisie récupérait ses terres agricoles expropriées. Mais les colons européens restaient accrochés à de vastes domaines et, le 12 mai 1964, le président Bourguiba promulguait la loi dite « d’évacuation agricole » pour interdire aux étrangers de posséder des terres. Sous la dictature de Ben Ali, les « terres domaniales » récupérées aux colons seront parfois attribuées à des proches du régime, et elles connaîtront une vague de privatisations sous la pression du FMI. Lors du mouvement révolutionnaire de l’hiver 2010-2011, la population a voulu se réapproprier ses richesses nationales, dont les terres agricoles. Mais la dynamique de concentration des terres, d’export et d’intensification de l’agriculture, au détriment de la paysannerie garante de la souveraineté alimentaire, n’a pas pu être remise en cause. L’ALECA rendrait de nouveau possible l’exploitation des terres agricoles tunisiennes par des multinationales européennes.

D’autre part, l’Europe a pour but de trouver de nouveaux débouchés pour ses excédents agricoles. Certains secteurs de l’agriculture tunisienne (élevage, céréales, et certaines huiles végétales) seront remplacés par des importations européennes. La Tunisie va donc augmenter sa dépendance pour les aliments de base et perdra de sa souveraineté alimentaire. Selon l’UTAP (Union tunisienne de l’agriculture et de la pêche), 250 000 agriculteurs sont menacés de disparition.

Mais l’agriculture n’est que l’un des secteurs sinistrés par le libéralisme. En 1995, un accord d’association entre l’Europe et la Tunisie ouvrait l’industrie à la concurrence. Résultat, en deux décennies, des centaines d’entreprises et presque un secteur entier, le textile, disparaissaient. Pendant ce temps, les entreprises européennes s’implantaient en Tunisie où elles bénéficient de privilèges dignes d’un paradis fiscal et d’une main d’œuvre au rabais. Le chômage de masse, et la pauvreté, qui touchent la Tunisie sont liés à ces mécanismes de domination économique. Loin d’avoir tiré les enseignements des mouvements insurrectionnels qui ont agité le pays depuis une décennie, l’Europe poursuit son projet indigne en Tunisie.

De nouveaux privilèges pour l’Europe et les multinationales

Avec l’ALECA, l’Europe conserve sa mainmise sur la Tunisie en exportant son modèle économique. Les règles de concurrence sont calquées sur le modèle européen dans la recherche d’une concurrence « pure et parfaite ». Les subventions sont progressivement supprimées, les prix des produits de base ne peuvent plus être fixés par l’État et les aides publiques sont accordées selon les critères européens, avec un contrôle direct de la Commission européenne durant cinq années. De plus, l’ALECA contraint la Tunisie à adopter les normes de l’Europe : un produit algérien ou chinois qui ne les respecte pas ne pourrait pas rentrer en Tunisie. Il s’agit donc de créer un marché tunisien exclusivement réservé aux produits européens.

L’ALECA contient aussi une clause d’arbitrage qui permet aux multinationales d’attaquer les États devant un tribunal spécial, placé au-dessus des justices nationales. Ces multinationales pourraient annuler des mesures d’intérêt général (de protection sociale, de santé, environnementale…), en Europe comme en Tunisie. Cette disposition a déjà coûté des centaines de millions de dollars à des États qui avaient tenté de réglementer l’économie pour protéger l’intérêt général. Le système de l’arbitrage place les profits des multinationales au-dessus des droits fondamentaux. Il a été dénoncé par les mobilisations européennes contre le Tafta et le CETA et doit disparaître. Il serait intolérable de l’imposer à la Tunisie.

Une impasse pour les problèmes de la Tunisie

Avec l’ALECA, les exigences productivistes de l’exportation mettront plus de pression sur les ressources naturelles tunisiennes, et notamment l’eau alors que la Tunisie est déjà en stress hydrique. La situation se détériore avec les changements climatiques provoqués en grande partie par l’industrie polluante ou l’agriculture intensive promues depuis des décennies par l’Europe. L’ALECA est donc contraire aux défis actuels et risque d’empirer une situation écologique critique.

En parallèle, l’UE poursuit sa politique de contrôle des frontières. A l’origine, l’ALECA ne prévoyait pas de faciliter la mobilité des travailleurs tunisiens. Le marché du travail européen utilise une main d’œuvre immigrée peu qualifiée, comme les centaines de milliers de sans-papiers, dans le nettoyage ou la restauration. Mais, pour s’assurer du soutien du gouvernement tunisien, l’Europe promet la création d’un nouveau visa avec des conditions de séjour simplifiées pour une catégorie de privilégiés. La logique libérale et coloniale, c’est la possibilité de voyager pour une poignée de business man et de cadres chargés de donner une belle image des « liens historiques » entre l’Europe et la Tunisie, pendant que la majorité de la population fait face aux refus de visas ou fait l’expérience périlleuse du passage clandestin des frontières. Dans ces logiques de maîtrise libérale et répressive des migrations, la Tunisie est maintenue en bas de la division internationale du travail.

Comme tous les accords de libre-échange, l’ALECA est synonyme d’exploitation pour toutes les populations, une exploitation économique et néocoloniale pour la population tunisienne. Les bénéfices économiques ne concerneront que quelques grandes entreprises et l’accord pourrait aggraver le problème du chômage et des inégalités en Tunisie.

Le processus de l’ALECA est en cours. Des réformes libérales sont déjà imposées par les plans d’endettement du FMI et de l’Union européenne : indépendance de la Banque centrale tunisienne, code d’investissement favorable aux multinationales, baisse des subventions, loi sur les normes sanitaires et phytosanitaires…

Il est donc essentiel de se mobiliser contre l’ALECA car c’est un prolongement des politiques néocoloniales européennes et françaises. De plus, le même projet a vocation à être proposé à l’ensemble des pays de la Méditerranée : le Maroc, premier pays avec lequel l’UE a entamé les négociations, les a interrompues en 2014 sous la pression de la société civile marocaine, le temps de mener une étude d’impact ; l’UE est également en phase de discussion préalable à des négociations avec la Jordanie et l’Égypte. Bloquer l’ALECA, c’est contrer le projet libre-échangiste et impérialiste de l’Europe dans toute la région.

Nous demandons :

  • L’arrêt des négociations entre l’UE et la Tunisie autour de l’ALECA
  • Le respect de la souveraineté de la Tunisie
  • La fin du pillage des ressources naturelles de la Tunisie et des privilèges fiscaux pour les entreprises européennes
  • L’annulation des dettes odieuses contractées par l’État tunisien auprès de l’UE sans l’accord du peuple tunisien
  • Les libertés de circulation et d’installation pour tous

Premiers signataires :

France :
  • Association Survie
  • Les Amis du Monde Diplomatique
  • Confédération paysanne
  • Aitec-IPAM
  • ATTAC France
  • Les Amis de la Terre
Italie :
  • Fairwatch
  • Stop TTIP CETA Italia Campaign
Belgique :
  • Comité pour l’abolition des dettes illégitimes (CADTM)
  • Corporate Europe Observatory (CEO)
  • Entraide et fraternité
Irlande :
  • KEEP IRELAND FRACKING FREE
  • FÍS NUA
Espagne :
  • ATTAC Spain
Autriche :
  • Anders Handeln
  • ATTAC Austria

Page Facebook : https://www.facebook.com/BlockAleca/

Voir en ligne : Appel contre l’ALECA

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